Le Discours De La Peur D'Aimé Jacquet à La Mi-temps De France - Croatie

Nous sommes le 8 juillet 1998, au Stade de France. Demi-finale de Coupe du monde. Le pays entier retient son souffle devant son poste à tube cathodique (oui, à l’époque, on n’était pas encore en HD). Face à la Croatie de Davor Šuker, les Bleus d’Aimé Jacquet peinent à trouver la faille. À la mi-temps, le tableau d’affichage est aussi nul que la prestation.

Un discours tactique sous fond de déclic

Dans les entrailles du stade, alors que certains joueurs commencent à sérieusement gamberger, Aimé Jacquet rassemble ses hommes.

Dans le vestiaire, le sélectionneur français tente de sonner la révolte, suppléé par son capitaine Didier Deschamps.

Sous fond de débat technique, Aimé va d’abord subtilement aborder un débat tactique en demandant à ses joueurs de choisir eux même entre un pressing offensif ou un bloc défensif plus bas. Un débat qui amènera sur une phrase désormais mythique, qui aura comme objectif de titiller ses joueurs en pleine demi-finale de Coupe du Monde :

“Vous avez peur de quoi? Vous avez peur de qui ? Peur? Mais vous allez perdre les gars vous avez pas de soucis à vous faire.”

Crédits : Canal+, Les Yeux Dans Les Bleus (Stephane Meunier) | Aimé Jacquet

Des mots salvateurs

La suite est connue, presque légendaire. Dès la reprise, c’est la douche froide : Šuker crucifie Barthez sur la première incursion croate. Mais loin de s’effondrer façon château de cartes, les Bleus repartent à l’assaut. Deux minutes plus tard, un certain Lilian Thuram, pourtant plus réputé par sa solidité défensive que son sens du but, égalise d’un tir du gauche. Avant de remettre ça quelques minutes plus tard, servi par un Youri Djorkaeff des grands soirs.

Les Bleus s’imposeront finalement 2-1. Quelques jours plus tard, les Bleus seront pour la première fois Champions du Monde devant leur public.

Vous avez peur de quoi? vous avez peur de qui ? Peur? Mais vous allez perdre les gars…

Aimé Jacquet, l'antihéros devenu légende

À l’époque, Aimé Jacquet n’est pas encore le grand sage unanimement respecté. Avant 1998, il est même la cible favorite de la presse et des supporters, moqué pour ses choix jugés frileux, et son jeu supposé « peu flamboyant ». On se souvient notamment de certains éditos assassins dans L’Équipe réclamant sa tête avant même le début de la compétition.

Pourtant il avouera même après la compétition qu’il “ne pardonnera jamais” à la presse.

Aimé Jacquet n’aura peut-être jamais les punchlines de Mourinho ni le charisme de Guardiola, mais il restera à jamais l’homme qui a murmuré à l’oreille des champions. Son discours de mi-temps, c’était du Audiard dans un vestiaire : des mots simples, mais qui touchent juste. Et parfois, c’est tout ce qu’il faut pour changer le destin d’un pays.

Crédits : Canal+, AFP, FIFA |

Deschamps le successeur, comme une évidence

Vingt ans plus tard, Didier Deschamps, son ancien capitaine devenu « Dédé la gagne », réécrira l’histoire à Moscou avec la bande à Mbappé, Griezmann et Pogba, perpétuant la lignée de ces Bleus en guidant l’Equipe de France vers sa deuxième étoile.